Rester centré sur son rétablissement

J'ai commencé à m'occuper de moi le jour où j'ai franchi la porte des AA.

Auparavant, j'étais axé sur les autres: je regardais, commentais allègrement, j'avais une opinion sur beaucoup de gens ou beaucoup de choses....Peut être une opinion pertinente, mais forcément dans le lot des idées pas toujours aussi lucides ou alors forgées d'à priori, basées sur une incompréhension ou une ignorance. Disons le simplement, nous recherchons tellement la perfection que nous préférons regarder l'autre plutôt que de se regarder soi pour voir ce qui ne va pas...
Les uns auront les yeux rivés sur le sort du selectionneur de l'équipe de foot (ah celui là  doit être sponsorisé par les cafetiers pour alimenter avec autant d'intensité la chronique à la machine café du matin !), d'autres les yeux fixés sur la courbe du CAC 40 et la tête entre les mains....sans avoir cependant forcément une seule action en portefeuille ! Bref, le monde qui nous entoure est plein de sujets de préoccupations, de jugement sur tout et rien, de peurs sur lesquelles les médias nous entraînent comme des moutons enragés.

Notre programme, chez les Alcooliques Anonymes, nous conduit à plus de sobriété, et pas seulement celle d'alcool, qui est la première mais certainement pas la dernière. Parce que c'est justement en refaisant le monde à la machine à café, en regardant toutes les 5 mn la courbe du cac 40, que je dysfonctionne, c'est à dire - disons le tout clair - que je marche à côté de mes pompes. Un des fondements de notre rétablissement est de vivre ses 24h à la fois.  Dans ces 24h, je n'ai ni le pouvoir de changer de selectionneur, ni celui d'infléchir une courbe que ne ne maîtrise pas. Par contre, je peux toujours décider de ne pas vendre mes titres aujourd'hui. On ne perd pas tant qu'on ne vend pas ! Et arrêter d'avoir peur. Mon fils qui fait un puzzle à côté de moi aujourd'hui a infiniment plus d'importance que le cours de l'action Total ou Société Générale. Et il est hors de question qu'il se prennent des reprimandes parce que le titre Accor a perdu 10% !

Cela ne veut pas dire que le monde ne m'intéresse pas. Mais je vous rappelle que je suis alcoolique. Nager dans toutes ces émotions qui nous tendent les bras représente pour moi un danger. Celui de perdre le contact avec mon quotidien. Celui de perdre le contact avec la réalité de ma maladie qui est là et qui m'observe du coin de la rue. Mon danger c'est l'alcool, car il est et restera plus fort que moi. Je sais que si je reste centré ma vie aujourd'hui, sur mon rétablissement, si je ne me laisse pas entraîner par les sirènes de la peur et de la spéculation, alors j'ai des chances de rester en vie car abstinent d'alcool. Juste pour aujourd'hui. Simplement.